Dans le domaine du management stratégique de l’entreprise, les signaux faibles présentent certaines caractéristiques : ils sont fragmentaires, incomplets, isolés, de fiabilité à vérifier, ambigus et d’une utilité qui n’est pas évidente immédiatement.
A la limite, un signal faible peut résider dans un non-écrit ou un non-dit, c’est-à-dire dans un « vide ».
Parfois signes d’alerte précoces, si on arrive en mettre en perspective ces informations fragmentaires pour leur donner un sens. L’absence de grilles de lecture de ce type et de dialogue avec les parties prenantes conduisent bon nombre d’entreprises à gérer, en aval, des crises plutôt que d’anticiper, en amont, par une politique efficace de prévention des risques.
Tout comme pour les navires nous pouvons distinguer deux types de « radar d’entreprise » :
- > Les radars qui vont capter des signaux émis par d’autres acteurs tels que des clients, des concurrents, des pouvoirs publics, des groupes de pressions, des agresseurs de toute nature et y compris sur les réseaux numériques d’entreprise (ou autre organisation) : on peut parler de « Veille passive » sans que cette expression soit péjorative.
- > Les radars qui émettent délibérément un signal, lequel va à la rencontre d’un éventuel obstacle ou ennemi… ou partenaire potentiel à découvrir, et revient vers nous pour nous renseigner. Mais il faut être capable de l’interpréter, de lui donner du sens. On peut alors parler de « Veille proactive ».
Précisons qu’un dispositif de veille anticipative visant à détecter, collecter, interpréter les signaux faibles captés sur l’environnement de l’entreprise est nécessairement un système d’information complexe pour les raisons suivantes :
- > Il est nécessairement transverse à l’entreprise, il fait donc intervenir de nombreux individus plus ou moins motivés à participer au dispositif.
- > L’exploitation des signaux faibles repose principalement sur leur interprétation. Si l’interprétation est faite par une personne seule alors elle est extrêmement fragile. En revanche si l’interprétation est faite selon un processus collectif nécessitant la collaboration de plusieurs personnes aux expertises diverses, alors elle est davantage solide et mieux argumentée.
- > Il fait intervenir de nombreuses connaissances formalisées mais également les connaissances tacites de nombreuses personnes, riches de leur expérience et de leurs retours d’expérience.
- > Son efficacité repose sur un apprentissage collectif continu, ce qui est incompatible avec les turn over internes et les restructurations incessantes.
Le processus de management des signaux faibles
1. La détection
L’action de détecter peut être scindée en deux actions différentes :
- ~ L’attention
Elle exprime l’application de l’esprit à quelque chose.
La détection des signaux faibles est le plus souvent le résultat d’un scanning de l’environnement et ils peuvent être identifiés:
- > Au travers des réseaux de relations.
- > Dans les sources accessibles, c’est-à-dire celles qui cumulent un maximum de caractéristiques suivantes : accessibilité, coûts abordables, retour d’expérience, capacité des canaux, richesse de l’information, temporalité, vitesse du message, présence sociale…
- > Les sources varient en fonction des sujets abordés.
- > En combinant les sources et en « scannant » les « scanneurs ».
- > En se focalisant sur le processus de détection plutôt que sur les sources.
- ~ La vigilance
Dans l’Antiquité, le vigile était le gardien. Il était chargé de lutter contre les incendies et de surveiller la ville contre tous types d’attaques. Être vigilant, c’est être en état de veille – continu – et donner des repères aux différents signaux de la vie de la cité. Si les repères ne fonctionnent plus alors il s’agit d’un signal pouvant déboucher sur une alerte.
2. L’interprétation
Quasiment juste après avoir détecté le signal, l’acteur tentera de l’interpréter consciemment ou pas.
La faiblesse, ici, viendra du potentiel informatif brut du signal par rapport aux connaissances de l’interpréteur. Ce signal, alors encore sous forme d’une simple donnée, sera rarement interprété.
Généralement il le sera s’il devient récurrent, donc s’il y a d’abord eu une boucle sur la phase de détection de ce signal.
La personne qui cherchera à l’interpréter devra le mettre en relation avec un certain nombre d’autres données ou informations, souvent contextuelles, pour lui donner un sens.
Cette interprétation peut se faire par l’acteur lui-même ou par un système automatisé. Cependant les systèmes automatisés ont déjà montré leurs limites et nécessitent un apport de base sur les règles à appliquer.
3. La transmission
Après que le signal ait été détecté et interprété comme suffisamment important pour être transmis, il est communiqué à la personne ayant le pouvoir d’agir, ou en ayant la légitimité. Cette étape dans la vie du signal peut paraître optionnelle, mais il est fréquent que la personne qui a détecté et interprété le signal n’ait pas le pouvoir d’agir ; ou alors qu’elle n’ose pas agir seule. Dans ce dernier cas le fait d’en discuter avec ses collègues sera une première forme d’engagement qui l’amènera à agir ou à mieux interpréter le signal faible.
La faiblesse ici sera liée aux acteurs de cette transmission :
- > L’émetteur n’ose pas transmettre l’information parce qu’il n’a pas d’intérêt, voire même qu’il pourrait être mis dans une position inconfortable, ou encore parce qu’il n’a pas le(s) moyen(s) de transmettre cette information.
- > Le récepteur de l’information n’écoute pas les messages qui lui parviennent.
Nous pouvons donc commencer par discerner deux principaux problèmes de transmission : ceux liés à la communication entre individus et ceux liés à la transmission via un outil.
Pour communiquer, les personnes ont besoin de parler le même langage et de s’écouter. Ensuite, elles partagent des données ou des informations pouvant avoir un sens pour elles.
4. La priorisation
Pendant la dernière phase, celle de priorisation, la faiblesse ne vient pas forcément du signal lui-même, mais plutôt des autres signaux qui sont plus forts et donc davantage prioritaires. Cependant si les barrières en amont (détection, pertinence, transmission), et surtout celle de transmission ont été franchies correctement (le signal a été détecté, perçu comme suffisamment pertinent et finalement transmis), il est fort possible que cette dernière le soit également.
Si la personne pouvant agir a bien reçu le signal et que l’argumentaire est suffisant alors il y a de fortes chances pour qu’elle agisse.
Cette étape marque la fin de la vie du signal, en tant que signal faible, puisqu’il aboutit à une action (cette action étant proportionnée au risque potentiel annoncé par le signal). Cette partie est de loin la plus délicate, car en réalité elle dépend de la politique et de la culture de l’entreprise.
Un des outils permettant d’aider un individu à prioriser ses actions est la matrice de criticité ou matrice de risques. Cet outil est déjà largement répandu chez les industriels.
Il s’agit d’une matrice sur laquelle sont généralement représentés les niveaux de gravité en abscisse (à chaque niveau correspond une gravité potentielle du risque) et ceux de fréquence d’occurrence en ordonnée.
La troisième dimension de la matrice vient avec les couleurs : chaque couleur correspondant à un niveau de priorisation. Certaines entreprises utilisent une quatrième dimension : la célérité ou la détectabilité de l’événement. Cette dernière dimension n’a pas été adoptée par toutes les entreprises.
Le nom « matrice de risques » porte bien sa fonction, car le risque est la possibilité de survenance d’un dommage résultant d’une exposition à un danger. Il se trouve donc à mi-chemin entre le danger et sa conséquence. On voit bien que les deux axes représentent pour l’un la menace (par la fréquence) et l’autre la victime (par la gravité).
Niveau | Fréquence |
1 | Evénement concevable, mais presque impossible. |
2 | Evénement ayant peu de chance de se produire dans l’année. |
3 | Evénement se produisant au moins une fois par an. |
Niveau | Gravité | ||
Personne | Biens | Environnement | |
1 | Blessure légère | Atteinte sans conséquence | Pollution maîtrisable et réversible |
2 | Blessure grave | Endommagement | Pollution réversible mais non maîtrisable rapidement |
3 | Atteinte irréversible ou décès d’une personne | Destruction | Pollution irréversible |
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